Finalement,
l'essentiel de la foi chrétienne tient en cinq mots : création,
chute, incarnation, rédemption, résurrection. Telle est sa colonne
vertébrale. Niez l'un d'entre eux ; tout l'édifice s'écroule
et la prédication apostolique se transforme en une mixture aussi
inodore qu'insipide. Cinq mots qu'il convient de dire et de redire,
de graver une bonne fois pour toutes dans la tête de ceux que nous
sommes appelés à catéchiser.
Création ?
« Avant » d'être créateur de ce monde visible, Dieu a
créé le monde invisible : celui des anges. Quand ? Hier,
aujourd'hui et demain. Réponse « absurde » à une
question absurde dès que l'on a à l'esprit que Dieu est l'éternité
qu'il est « une autre dimension ». Caractéristique
de ces êtres vivants ? La liberté : l'incroyable faculté
de « ne pas être obligé de... ». L'inverse de ce que
sont les robots.
Chute ?
Par un orgueil incompréhensible, certains de ces anges se sont
révoltés. Ceux à qui Dieu avait donné de l'être ont voulu
devenir l'Etre ; rejeter et dépasser Celui qui est la
perfection et l'existence. Le rejet : l'enfant qui dit à son
père : « Je ne te connais pas, tu n'es pas mon père ».
Conséquence : drame incommensurable ; le mal « naît »
et avec lui, l'inverse de la vie ( la mort). Nouvelle création :
l'univers que nous connaissons. Il devait être bon (et il l'est à
certains égards), mais il est détraqué. Dès le big bang, la
trajectoire part en zigzag. Les responsables ? Les anges déchus,
les démons. Admirable sur le plan de sa finalité (de l'amibe à
Einstein, avouez que l'on va du plus simple au plus complexe), la
création ne l'est pas sur le plan des moyens (cataclysmes naturels,
extermination des faibles par les forts, disparitions violentes de
certaines espèces animales...). Je sais qu'il y en a qui affirment
que Dieu a fait un monde inachevé, que c'est à nous qu'il
appartient de le rendre meilleur. Allons bon ! Qui peut se
contenter d'une réponse aussi naïve ? En quoi cela
peut-il expliquer la présence de lois naturelles aussi brutales
qu'indignes d'un être infiniment bon ? Bref, si Dieu est
l'auteur d'un univers aussi ambivalent que celui que nous
connaissons, je ne suis pas pressé de le rencontrer. Poursuivons.
« Arrive » l'être humain. Doué de liberté, il emboîte
le pas au mal. Cependant, à la différence des anges déchus, il ne
le crée pas, il ne fait que lui dire « oui ». Vous
suivez ? Résumons. Le monde tel que nous le connaissons n'est
plus celui qui était prévu dans le plan de Dieu. Par exemple, la
mort n'en faisait pas partie. « C'est par l'envie du diable que
la mort est arrivée », dit l'Ecriture. « Dieu n'a pas
fait la mort », dit-elle encore.
Incarnation ?
Que pouvait
faire notre Créateur face à cette situation ? Laisser
l'univers tel qu'il est ?... C'est alors « qu'une idée
folle lui est venue » (excusez-moi pour cette expression
inadéquate). Quelle idée ? Devenir lui-même créature pour
lui donner la chance de redevenir ce pourquoi elle était faite. La
conséquence du péché étant la mort, qui pouvait nous délivrer
sinon Dieu lui-même ?
Rédemption ?
Qu'est-ce à dire ? Dans son « Petit catéchisme »,
Jean Guiton nous offre une image éclairante. Je vous la livre telle
que je m'en souviens.« Imaginons, un filet à l'intérieur
duquel des oiseaux sont prisonniers. Impossible de le traverser. Sans
un secours extérieur, tous sont voués à la mort. Mais voici que
surgit du ciel un oiseau plus fort que les autres qui, au péril de
sa vie, parvient à traverser ce fameux filet. Grâce à son
sacrifice, tous les oiseaux prisonniers sont maintenant délivrés,
libres de s'envoler vers le ciel ». Voilà ce que le Christ a
accompli pour nous sur la croix. « Mort sur la croix et
ressuscité pour nous sauver du péché et de la mort éternelle ».
Tel est le kérygme, voilà ce dont les apôtres ont témoigné
jusqu'à verser leur sang ! Vous me direz peut-être :
pourquoi Dieu n'a-t-il pas fait de même pour les anges déchus ?
La réponse tombe sous le sens. Comment voulez-vous que Dieu
s'incarne en un démon ; c'est à dire en un être qui est, si
j'ose dire, « le mal à l'état pur » ? Que
deviendront les démons ? A mon sens, ils disparaîtront. En
s'enfonçant toujours plus dans une espèce d'entonnoir, de
moins-être en moins-être, ils finiront dans l'anéantissement.
Résurrection ?
L'apothéose :
le sommet du sommet de la foi chrétienne. L'éternité enfin
retrouvée. Oui, « retrouvée ». Si, comme l'a écrit
Lamartine : « L'homme est un dieu tombé qui se souvient
des cieux », nous savons au fond de nous-mêmes que nous sommes
faits pour une autre réalité que celle que nous connaissons. En
nous, subsiste une « nostalgie d'un paradis perdu ». De
grâce n'attendons pas en cette vie terrestre ce que Dieu nous promet
pour l'au-delà. A la question : « Quel est selon vous le
plus grand mal de notre époque ? », Gustave Thibon
répondait : « Exiger du temps qu'il tienne les promesses
de l'éternité. Simone Weil a tout dit : « Dieu et
l'homme sont comme deux amants qui se sont trompés sur le lieu du
rendez-vous : l'homme attend Dieu dans le temps et Dieu attend
l'homme dans l'éternité ».
Voilà.
Terminé. Je sais que mes propos sont bien imparfaits. Je sais aussi
que j'ai usé de mots humains pour parler de ce qui échappe à nos
sens. Tant pis ! Ma réflexion est une approche. Sans plus !
Nous aurons tous des questions à poser lorsque nous arriverons
là-haut. Puissions-nous au moins garder à l'esprit les cinq mots
sans lesquels le christianisme n'a plus aucune raison d'être.
Jean-Pierre
Snyers