Il y a 85 ans cette année que se terminaient
les apparitions de la Vierge à Beauraing. Comme certains le savent,
c'est le 3 janvier 1933 que celles-ci prirent fin. Seulement voilà,
qu'en est-il de leur crédibilité? Comment les appréhender? Par la raison
bien sûr, mais en réalisant toutefois que celle-ci a sans doute ses
limites. Un exemple. Si quelqu'un veut savoir telle musique lui plaira,
il peut bien sûr en lire la partition, mais un autre que lui préférera
l'écouter. Si quelqu'un veut savoir si tel cidre de Normandie a bon
goût, il peut bien sûr se pencher sur les éléments chimiques qui le
compose, mais un autre préférera le goûter. En transposant ne
pourrions-nous pas dire que la méthode de celui qui rationnellement
examine une apparition mariale serait semblable à la première façon de
procéder, tandis que celle d'un voyant serait semblable à la seconde?
Examiner une expérience qu'on a pas vécue soi-même, qu'on ne peut
appréhender que du dehors, ne risque t-il pas de nous laisser sur notre
faim? Petite annecdote: Alphonse Ratisbonne, intellectuel juif connu à
son époque pour son opposition au catholicisme, ne se privait guère de
se moquer ouvertement des apparitions de la Vierge. Cela dura jusqu'au
jour où, en 1842 dans une église de Rome, celle-ci lui est apparue.
Devinez la suite...
Bon,
"Revenons à la raison", si je puis dire. Les apparitions de Beauraing
sont-elles dues à ce qui relève du psychisme ou à ce qui dépasse l'ordre
naturel? Ont-elles un caractère objectif ou subjectif?
Proviennent-elles de ce monde visible ou d'un monde invisible?
Une
chose semble sûre. Qu'elles soient dues à une pathologie, à l'hypnose, à
la prise d'une substance hallucinogène, ou à une auto-suggestion, le
résultat est le même: l'hallucination. En utilisant ce terme, je me
réfère à la définition commune qui lui est donnée: "Perception sans
objet". Ce qui est vu n'existe que dans le psychisme de ceux qui
voient. N'ayant aucun caractère objectif, la vision qu'ils perçoivent
est uniquement en eux-mêmes. Pas ailleurs. Qu'il s'agisse d'une
hallucination ou d'une apparition, un point commun les réunis: dans les
deux cas, les personnes voient ce que les autres ne voient pas.
Seraient-elles donc une seule et même chose ou des éléments
permettent-ils de les différencier? Sont-elles toutes les deux d'ordre
naturel et correspondent-elles chacune aux critères nécessaires pour
l'affirmer?Les 5 enfants de Beauraing auraient-ils vu une réalité qui
pourrait s'apparenter à un rêve éveillé, à une vision qui n'existe que
dans leur mental? Dans l'affirmative, une question survient. Etant
donné qu'il n'y a pas plus de distance entre un halluciné et son
hallucination qu'entre une personne qui rêve et son rêve, comment un
objet matériel disposé "entre" un point qui existe (le voyant) et un
point qui n'existe pas (ce qu'il voit), pourrait-il obstruer (totalement
ou partiellement) sa vision? S'il s'agit d'un phénomène uniquement
intérieur, pourquoi et comment quelque chose d'extérieur serait-il un
obstacle qui gênerait celui qui voit? Tel est pourtant le cas à
Beauraing. Que ce soit par un arbre, une grille, une personne ou un
chapeau placé devant leurs yeux (le test a été fait), leur vision est
barrée en tout ou en partie par ce qui se trouve entre la Vierge et
eux.Pareil au sujet de ce qu'ils entendent: Trop de bruit extérieur
dérange l'audition de ce qui leur est dit par l'apparition. Certains
spécialistes ont tiré argument du fait qu'à Medjugorje, les voyants
n'étaient nullement gênés par cela. Voilà pour eux le signe que ce
qu'ils entendent n'est qu'intérieur, généré par leur cerveau. Mais
alors à l'inverse, en fonction de cet argument, ne peut-on pas conclure
qu'à Beauraing, on a le signe qui indique qu'il ne s'agit pas d'un
phénomène auditif produit par le psychisme des voyants? Par ailleurs, le
fait que durant les apparitions leur regard est convergent, dirigé vers
un même point, n'est-il pas lui aussi contradictoire à ce qu'est une
vision intérieure? Quand on sait de plus qu'une hallucination peut
également être perçue par une personne qui a les yeux fermés (ce qui
semble logique puisque la vision est interne), n'est-il pas hasardeux de
continuer à considérer ce terme comme équivalent à ce qu'est une
apparition?
Autre élément. D'après
l'interrogatoire du 28 décembre (qui, comme chaque soir d'apparition
était effectué par de multiples enquêteurs), la Vierge a dit à cette
date: "Ce sera bientôt ma dernière apparition". Restait à savoir si
cette prédiction se réaliserait dans les faits.Quelques jours suffiront
pour avoir la réponse. Le 3 janvier suivant, en effet, l'apparition se
montrera à eux pour la toute dernière fois. Celui qui connaît un peu
Beauraing sait qu'entre le 29 novembre et le 28 décembre 1932, il y a eu
beaucoup plus d'apparitions qu'entre le 28 décembre et le 3 janvier
1933. Donc, le mot "bientôt" se justifie. Prophétie annoncée, prophétie
réalisée. "Adieu" (ou "à Dieu?") sera le mot par lequel elle prendrait
définitivement congé d'eux sur cette terre. Malgré leur désir intense de
la revoir qu'ils conserveront toute leur vie, jamais plus elle ne se
montrera. Si, comme le disent certains détracteurs, tout n'est qu'une
hallucination (qui aurait prédit qu'elle prendra bientôt fin!) causée
par une auto-suggestion, une pathologie ou une hypnose, pourquoi le
phénomène ne fonctionne t-il plus? Ils auront beau revenir tous les
soirs sur les lieux, ils auront beau désirer de tout leur être que ça
continue, fini! En négatif, tout ce qu'ils leur restera ne sera jamais
rien d'autre qu'un manque. "Elle me manque! Je n'attends qu'une seule
chose: la revoir!" a souvent dit Gilberte Degeimbre (l'une des voyantes
décédée en 2015). Avouons que nous sommes bien pauvres. Avouons que nous
ne pourrons jamais nous mettre à leur place et comprendre, comme eux
l'ont compris, la réalité profonde de ce qu'ils ont vécu; une réalité
dont, contrairement à eux, nous n'avons pas l'expérience et qui, quelque
part, les a toujours rendu seuls, semblables à quelqu'un qui, pourvu de
ce sens qu'est la vue, est face à des aveugles de naissance.