Mes yeux ne te contemplaient pas et mon esprit ne te saisissait
pas, en ces neufs moi où tu me portas, endormi dans ta paix fragile.
Je
vivais, mère, au fond de ton être, ne connaissant de toi que les
battements de ton cœur ou de furtives impressions par lesquelles je te
devinais un peu. Mais ta présence me restait imprécise, au point que
j'en doutais parfois.
Un jour, contre toute attente,
quand vient mon heure de naître au temps, ton visage jusque là inconnu,
doucement s'est penché sur moi.
Alors, mes yeux se sont
éclairés, j'ai vu avec éclat que je ne m'étais pas trompé, que ta vie
timidement perçue était vraiment réalité...
Vierge Marie, Mère
du ciel, jamais je ne t'ai vue.Tu sais combien très pauvrement, malgré
mes doutes et mes échecs, j'essaye de te deviner par ma prière indocile
et les signes discrets que tu donnes.
Mais un jour viendra, je
le sais, quand sonnera l'heure de l'éternité, où je verrai ton visage.
Telle ma mère autrefois, sur mon corps encore chaud, tendrement tu te
pencheras et d'un sourire tu l'enveloppera. Alors, tremblant de joie je
te dirai: Mère, dans ma nuit je te pressentais, mais aujourd'hui mes
yeux te voient et mon cœur te reconnaît bien.