dimanche 8 septembre 2013

Lettre à un évêque


Monseigneur,
Je sais d'avance que ma missive va vous faire froncer les sourcils. Tant pis ! Même si celle-ci risque de valser à la poubelle, au moins aurai-je eu le sentiment d'avoir fait mon devoir. Pourquoi vous écrire ? Parce que je vois que votre bateau coule, qu'il prend l'eau de toutes parts et que vous ne semblez pas vous en apercevoir. Regardons les choses en face : votre Eglise ne va pas bien, pas bien du tout ! Il y a une trentaine d'années, 35 % de pratiquants. Aujourd'hui : à peine 5 %. Et demain ? Oui, demain, quand il n'y aura plus toutes ces têtes blanches qui s'obstinent à franchir le seuil de vos édifices ?... Vous ne trouvez pas qu'il y a péril en la demeure ?... Bon, ça c'était le hors- d'oeuvre. Maintenant, le plat de résistance. J'espère que vous avez faim, car il sera assez copieux. Garçon, une bouteille de vin, une !...

Que se passe-t-il, Monseigneur ?...Eh bien, je vais vous le dire. Il se passe que depuis 50 ans, votre Eglise n'a cessé de courir derrière le monde, de s'agenouiller devant des mots comme relativisme, symbolisme, humanisme, syncrétisme, oecuménisme, modernisme... et que depuis cette période, les citoyens font demi-tour. Les résultats sont là, implacables : votre discours n'intéresse plus. Pourquoi ? Parce qu'à peu de choses près, il est devenu le même que celui que tout homme qui se respecte tient aussi. Pas la peine d'assister à des offices pour entendre parler de tolérance, d'égalité, de liberté et de fraternité. De cela, la société se charge déjà. Vous me suivez ?... Bon !... Cela dit, excusez-moi, je ne me suis même pas présenté. Il se fait que je suis directeur d'une entreprise qui produit des yaourts. Comment va mon entreprise ? Très bien, merci ! Seulement, voyez-vous, je crois que je n'ai pas du tout la même politique que la vôtre. Par exemple : si demain un de mes représentants se permet de clamer partout que mon yaourt n'est pas bon, qu'il vaut mieux acheter une autre marque, je le vire illico ! Pas vous ? Non, pas vous ! Vous, vous gardez les clercs qui dérapent, ceux qui se fichent des dogmes et de la liturgie. Ah, je comprends ! « Charité » oblige ! Nouvelle erreur ! Admettons que je constate qu'un de mes ouvriers met du poison dans mon yaourt, je dois le laisser faire ? Je dois le laisser rendre malades des milliers de gens ? Pareil pour vous, Excellence ! Au nom de quelle « charité » laissez-vous des clercs empoisonner le peuple chrétien ? Quel crime doivent-ils commettre pour que vous leviez enfin le petit doigt ?

Je sais ce que vous allez me dire. « Si je dois virer tous les curés qui déraillent, il ne m'en restera plus qu'une poignée ! »... Et alors ?... Dans un pré, mieux vaut avoir dix brebis plutôt qu'une centaine accompagnée d'une meute de loups, non ?... Ca va votre estomac, vous digérez bien ? Continuons. Il va arriver un jour où vous allez devoir vous justifier ; où Quelqu'un dans les cieux va vous demander : « Qu'as-tu fait de la mission que je t'avais confiée ? As-tu, comme les apôtres, annoncé le kérygme au péril de ta vie ? As-tu protégé la foi contre les hérésies ? As-tu cherché à Me plaire quitte à déplaire au monde ? As-tu secouru ceux qui doutent ; ceux qui, à cause d'abbés ambigus, ne savaient plus que j'ai accompli des miracles, que je suis mort et ressuscité pour leur salut, ni même que j'existe ? Oui, ai-je pu compter sur toi pour proclamer haut et clair que je SUIS LA Vérité et pas une vérité parmi d'autres ? Maintenant, réponds-moi !... »

Fini le plat de résistance. A présent le dessert. Non ! Pas de dessert ! Du fromage ! Piquant si possible ! Oui, une toute dernière chose. Jusqu'à présent, Monseigneur, j'ai supposé que vous êtes catholique. Je l'ai supposé !...

Jean-Pierre Snyers